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de crainte, et même il y en eut un qui, ayant rêvé du géant, jura qu’il n’y voulait plus toucher. Je n’insistai pas. Je savais bien que, si je leur avais voulu payer du vin le dimanche, ils auraient eu plus de courage ; mais je ne voulais pas les détourner de leur devoir : c’eût été mal payer l’hospitalité que m’accordait le père Bradat.

Je n’en eus pas moins la compagnie de l’un ou de l’autre de temps en temps. Le père Bradat consentait à me garder et à me nourrir moyennant que ses chèvres consommeraient le peu d’herbe qui poussait chez moi, et l’enfant chargé de les conduire s’amusa, pendant que je piochais, à construire, pour se garer de la pluie, une baraque assez solide avec les restes de l’ancienne et beaucoup de pierres et de broussailles qu’il agença très-adroitement. J’eus donc un refuge pour la nuit, et je m’en servis plusieurs fois afin d’avancer mon ouvrage.



IV


Chaque fois que je dormis là, je revis le géant, et chaque fois je le vis plus remuant et plus agité. Il devenait certain pour moi qu’il se sentait tracassé, et qu’il se faisait plus léger et plus désireux de s’en aller ; mais je crois aussi qu’il devenait toujours plus imbécile, car, au lieu d’aller dormir où je lui conseillais d’être, il essayait toute sorte d’installations