Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui me plaît. Oui, oui, lui mettre le feu sous le ventre,… il faudra bien qu’il s’en aille.

— Sans doute, car il ne s’en ira pas tout seul.

— Il s’en ira, vous dis-je ! c’est un paresseux qui ne veut pas s’aider ou un imbécile qui ne sait ce qu’il fait ; mais quand il sentira la poudre…

— C’est un rocher : il se fendra ; mais il faudra tout de même faire une manière de chaussée avec les morceaux, et cela coûtera beaucoup d’argent. Est-ce que tu es riche ?

— J’ai cent francs.

Le père Bradât se prit à rire. — Ce n’est pas assez, dit-il ; il t’en faudrait au moins dix fois autant.

— J’aurai cela un jour.

— Eh bien ! attends ce jour-là !

— Vous pensez donc que ce ne serait pas une folie de vouloir reprendre mon domaine à ce géant ?

— Dame ! la terre est une chose bonne et sainte ; quand on l’a, c’est dommage d’être forcé d’y renoncer. Dieu n’aime pas qu’on l’abandonne tant qu’on peut la disputer à la glace et à la pierre.

— C’est-à-dire aux méchants esprits ! Eh bien ! je la disputerai à ce démon bête et cruel qui a voulu massacrer mon père et qui m’a détruit ma maison. C’est lui qui m’a fait mendiant, errant sur les chemins pendant toute mon enfance, pendant que lui, le brutal, l’idiot, il dormait son lourd sommeil sur notre prairie. Il en sortira, je vous dis ! Je le déteste trop pour le souffrir là, à présent que je commence à être un homme, et quand j’y mangerais ce que j’ai, ce que je dois avoir, quand mon bien ne vaudrait