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teau qui est au-dessous de nous, et qui s’appelait, m’a-t-on dit, la Verderette, a pris le nom de rencluse à Miquelon, depuis l’accident arrivé à ce pauvre homme. Je ne suis ici que depuis quatre ans, on m’a raconté la chose.

— Eh bien ! ce pauvre homme était mon père, et cette pauvre rencluse est ma propriété. J’ai été élevé dans cet endroit-là. Je ne l’avais pas revu depuis l’âge de huit ans, et j’ai un plaisir triste à m’y retrouver. J’y ai passé la nuit dernière et je voudrais y retourner demain, peut-être après-demain encore.

— Si c’est comme cela, dit le vieillard, tu resteras chez moi la semaine et davantage, si tu veux, et je ne recevrai pas de paiement, car je suis ton débiteur.

— Comment ?

— C’est comme cela. J’ai envoyé souvent mes chèvres pâturer dans ta rencluse, et je n’avais pas ce droit-là ; seulement, l’endroit étant abandonné, je pensais ne faire tort à personne en ne laissant pas perdre le peu d’herbe qui y pousse encore ; c’est bien peu ; mais enfin c’est quelque chose, et je me disais que, si quelqu’un venait réclamer, j’étais prêt à lui payer la petite dépense de mes bêtes. Te voilà, c’est pour le mieux ; reste et garde ton argent. Je suis content de m’acquitter.

Je dus accepter. Il me donna place à la soupe et à la paille au milieu de ses gars. J’étais las, je dormis bien, et au petit jour je me mis en route pour ma rencluse, avec du pain et un morceau de lard pour ma journée.

Ce jour-là je ne travaillai que de mon esprit. Je