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bras tomba, mais il se trouva replacé au moment où je touchais et faisais tomber le bras droit. Alors je l’attaquai aux jambes, à ses vilaines jambes collées ensemble, et alors le colosse se rompit à la base et s’étendit de tout son long par terre, brisé en mille pièces : alors aussi je reconnus que j’avais fait la plus grande sottise du monde, car la belle prairie avait de nouveau disparu sous les débris, et les premières lueurs du jour me montrèrent la triste rencluse engloutie et poudreuse, telle que je l’avais trouvée la veille en arrivant.

J’étais si fatigué, si surmené par la rage de ce combat, qui avait duré toute la nuit, que je me laissai tomber là où je me trouvais, et m’endormis aussi profondément que si j’eusse été moi-même changé en pierre. Quand le soleil, déjà haut et chaud, m’éveilla, je pensai que j’avais fait un rêve terrible, et me pris à réfléchir, tout en mangeant un reste de pain et cueillant ces baies noires qu’on appelle chez nous raisins d’ours. Mon rêve, si c’en était un, devait signifier pour moi quelque chose ; mais quelle chose ? Je cherchais et ne trouvais pas. Il n’y en avait qu’une dont je ne pusse pas douter, c’est que le géant pouvait m’apparaître tant qu’il voudrait, je n’avais pas eu, je n’aurais jamais peur de lui. Je le haïssais pour le mal qu’il avait fait à mon père, et je n’avais qu’une idée : me venger de lui et l’humilier autant qu’il me serait possible.

Au grand jour, je m’assurai que toutes choses autour de moi étaient dans l’état où nous les avions laissées huit ans auparavant, que la maison était bien