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belle peur que je me sauvai, croyant à une nouvelle avalanche ; mais je revins au bout d’un moment. Je n’avais pas craché, je voulais cracher sur la figure du géant, dût-il m’engloutir, et je lui fis résolument cette insulte sans qu’il parût s’en apercevoir. — C’est cela, lui dis-je ; tu es toujours aussi lâche ! Eh bien ! je veux te faire rouler dans le torrent pour que tu te brises tout à fait ! — Et me voilà poussant cette grosse roche et m’évertuant à l’ébranler.

J’y perdis mon temps et ma sueur, et, quand je vis que je ne gagnais rien, j’essayai de la briser en lui lançant d’autres pierres. J’eus au moins le plaisir de voir que ce n’était pas une roche bien dure, et que mes coups lui faisaient des entailles que je prenais pour des blessures et des plaies. Quand je me fus bien fatigué, je voulus revoir de près les débris de notre cabane, et je fus surpris d’y trouver un petit coin où l’on pouvait s’abriter en cas de pluie ; même ce petit coin avait été renfermé par un bout de mur relevé depuis peu par quelque chevrier, mais abandonné après un séjour plus ou moins long, car il n’y avait pas de trace de passage sur l’herbe qui poussait, haute et drue, tout autour de la ruine. Comme le soleil se couchait, je résolus d’y passer la nuit. Je relevai quelques pierres, je bouchai l’entrée, afin de n’être pas surpris par les loups, et, m’asseyant sur un reste de plancher, j’entamai un morceau de pain que j’avais dans mon havre-sac de toile. Puis, me sentant las et ennuyé de la solitude, je m’étendis pour dormir ; mais j’avais comme de la fièvre pour avoir trop marché et m’être trop démené ;