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III


Jusqu’à présent, continua Miquel, je vous raconte les choses comme elles sont ; je vous demande la permission de vous les dire maintenant comme elles me sont apparues à partir de ce moment-là, c’est-à-dire à partir du moment où je me trouvai seul au monde, livré à moi-même à l’âge de quinze ans. Ma mère m’avait pourtant donné une direction à suivre. Elle m’avait engagé à aller voir des parents et des personnes qui s’intéressaient à nous et qui me donneraient conseil, assistance au besoin ; mais j’avais une idée, une idée d’enfant si vous voulez, mais bien obstinée dans ma cervelle. Je voulais revoir notre pauvre rencluse abandonnée, notre cabane détruite, la place où j’avais vu mon père estropié, se débattant sous la roche. Il m’avait si souvent reparlé de cette catastrophe, il en avait tant de fois raconté les détails dans son langage imagé pour attirer l’attention et pour exciter l’intérêt des clients, que je n’avais rien oublié. Je crois même que je me souvenais de plus de choses que je n’en avais remarqué, et que j’avais bâti dans ma tête… Au reste vous verrez tout ce qu’il y avait dans cette tête-là ; pas n’est besoin de vous le dire d’avance.

Je marchais droit sur le Mont-Aigu. Nous avions fait tant d’allées et de venues dans nos pèlerinages