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Don Quichotte et Robinson Crusoé. À la vérité, pas un seul de ces ouvrages n’était complet ; leur état de délabrement attestait leurs longs services. Quelques feuillets brochés contenaient en outre la légende populaire des quatre fils Aymon, diverses versions espagnoles et françaises sur le thème de la chanson de Roland, enfin un petit traité d’astronomie élémentaire très-éraillé, mais complet.

Miquel rentra avec ses sœurs Maguelonne et Myrtile, deux grandes filles de dix-huit et vingt ans, admirablement belles sous leurs capulets de laine écarlate, et très-proprement endimanchées pour me recevoir. Après avoir rentré leurs vaches, elles s’étaient hâtées de faire cette toilette en mon honneur ; elles n’en firent pas mystère, n’y ayant point mis de coquetterie. Après que nous eûmes renouvelé connaissance, bien que l’aînée seule se souvînt vaguement de moi, l’une s’empressa d’aller mettre le cuissot d’isard à la broche, tandis que l’autre dressait la table et arrangeait le couvert. Tout était fort propre, et le repas me parut excellent, le gibier cuit à point, les fromages exquis, l’eau pure et savoureuse, le café passable. — car il y avait du café ; — c’était le seul excitant que se permît le patron ; il ne buvait jamais de vin.

Je trouvai les sœurs charmantes de naturel et de bon sens. L’aînée, Maguelonne, avait l’air franc et résolu ; Myrtile, plus timide, avait une douceur touchante dans le regard et dans la voix. Plus occupées de nous bien servir que d’attirer l’attention, elles parlèrent peu, mais toutes leurs réponses furent