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ne serez donc pas trop surpris de ce que je vous dirai d’elle par la suite. Pour le moment, je dois vous raconter comment son esprit fut éveillé et travaillé dans le château de Pictordu.

Quand elle entendit ronfler son papa, elle ouvrit les yeux et regarda autour d’elle. Il faisait sombre dans la grande salle ronde, mais comme la voûte n’était pas élevée et qu’une des lanternes de la voiture, accrochée au mur, donnait encore une lumière terne et tremblotante, Diane distinguait encore une ou deux des danseuses imitées de l’antique qui se trouvaient placées devant elle. La mieux conservée et la plus dégradée en même temps, était une grande personne dont la robe verdâtre avait une certaine fraîcheur, dont les bras et les jambes nues ne manquaient pas de dessin, mais dont la figure, envahie par l’humidité, avait entièrement disparu. Diane, tout en sommeillant, avait entendu, d’une manière vague, ce que le postillon avait raconté à M. Flochardet de la Dame voilée, et peu à peu, elle se mit à songer que ce corps sans figure devait avoir quelque rapport avec la légende du château.

Je ne sais pas, pensa-t-elle, pourquoi mon papa traite cela de folie. Je suis bien sûre, moi, que cette dame m’a parlé sur la terrasse et même avec une très-jolie voix bien douce. Je serais contente si elle voulait me parler encore. Et même, si je ne craignais pas de mécontenter papa qui me croit toujours malade, j’irais bien voir si elle est encore là.

À peine avait-elle pensé cela, que la lanterne s’éteignit et qu’elle vit une grande belle clarté bleue,