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— Mais qui êtes-vous, mon ami ? lui dis-je ; j’ai beau chercher…

— Ne causez pas ici, reprit-il ; vous avez pris un mauvais sentier ; vous n’êtes pas un montagnard. Il faut penser où l’on met le pied. Suivez-moi ; avec moi, il n’y a pas de danger.

En effet, le sentier devenait vertigineux ; mais j’étais jeune et j’étais naturaliste, je n’avais pas besoin d’aide. Cinq minutes plus tard, le sentier tourna et entra dans une des rainures sauvages qui aboutissent en étoile au massif du Mont-Aigu. Là il y avait assez d’espace pour marcher côte à côte, et je pressai mon compagnon de se nommer.

— Je suis, me dit-il, Miquel Miquelon, le fils aîné du pauvre Miquelon, le mendiant qui allait vous voir tous les jours de marché à Tarbes, et à qui vous donniez toujours avec un air d’amitié qui me faisait plaisir, car dans ce malheureux métier-là on est souvent humilié, ce qui est pire que d’être refusé.

— Comment ? C’est vous, mon brave, qui êtes ce petit Miquel ?… En effet, je reconnais vos yeux et vos belles dents.

— Mais pas ma barbe noire, n’est-ce pas ? Tutoyez-moi encore, s’il vous plaît, comme autrefois. Je n’ai pas oublié que vous me vouliez du bien ; vous n’étiez pas riche, je voyais ça, et pourtant vous auriez payé pour me mettre à l’école ; mais le pauvre père est mort là-dessus, et il s’est passé bien des choses.

— Raconte-les-moi, Miquel, tu parais sorti de la misère, et je m’en réjouis. Pourtant, si je puis