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correspondre avec personne. Il revenait toujours doux, tranquille, facile à vivre, obligeant et généreux au-delà de ses moyens. Des naturalistes qui l’avaient rencontré dans ses lointaines excursions, entre autres M. Levaillant, racontèrent de lui des traits d’une grande bonté et d’un courage extraordinaire ; cependant, comme il n’en parla jamais lui-même, on ne sut pas bien si cela était arrivé.

Il vécut longtemps sans infirmités, mais une fatigue excessive et le froid qu’il éprouva en étudiant les mœurs de l’eider en Laponie le rendirent boiteux comme il l’avait été dans son enfance. Habitué à un grand exercice et ne pouvant plus s’y livrer, il songea qu’il n’avait plus beaucoup d’années à vivre, et s’occupa d’envoyer à divers musées les oiseaux de sa collection et une foule de notes anonymes que les savants estimèrent beaucoup sans savoir d’où elles leur venaient.

Autant la plupart des autres aiment à se produire et à faire parler d’eux, autant Clopinet aimait à se cacher. Il ne pouvait pourtant pas s’empêcher à être aimé et respecté par les gens du pays, qui l’appelaient M. le baron, et se seraient jetés à la mer seulement pour lui faire plaisir. Il fut donc très-heureux, occupa ses derniers loisirs à faire d’excellents dessins qui furent vendus cher et fort admirés après sa mort. Quand il se sentit près de sa fin, affaibli et comme averti, il voulut revoir la grande falaise. Il n’était pas très-vieux, et sa famille n’avait pas d’inquiétude réelle sur son compte. Ses fidèles amis, le pharmacien et le curé, étaient beaucoup plus âgés