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se procurer. En revanche, il l’enrichit de tant de documents justes et nouveaux qui redressaient des erreurs longtemps consacrées, que le baron n’eut point à se plaindre. Il se fit longtemps honneur de toutes les découvertes de son élève, et publia ses notes sous forme d’ouvrages scientifiques où il oublia de le nommer. Clopinet n’y trouva point à redire, n’ayant aucune ambition personnelle et se trouvant parfaitement heureux de satisfaire sa passion pour la nature. Le baron, parvenu à une certaine réputation, ce qui avait été le but de toutes ses dépenses et de toutes ses commandes, ne fut pourtant pas ingrat envers Clopinet : il mourut en l’instituant son légataire universel. Ses neveux intentèrent un grand procès à ce misérable petit cuistre, qui avait capté, selon eux, la faveur du défunt : le testament était en bonne forme, et Clopinet eût peut-être emporté gain de cause ; mais il n’aimait pas les querelles, et il accepta la première transaction qui lui fut offerte. On lui laissa le manoir et le musée, avec assez de terre pour y vivre modestement et pouvoir voyager avec économie.

Il se tint pour privilégié de la fortune et de la destinée. Il put faire le tour du monde pendant que sa famille et celle de son oncle Laquille habitaient son château, où il revint de temps en temps pour entretenir avec un soin pieux la collection de son bienfaiteur. Il vieillit dans ce mouvement perpétuel, disparaissant des années entières sans donner de ses nouvelles, car il faisait de longues stations dans des endroits si sauvages, qu’il lui était impossible de