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rait les remettre tous en état de se reprendre à la vie sauvage. Il était trop exercé à reconstruire leur charpente osseuse pour ne pas connaître très-bien leur anatomie, et il réussissait avec une merveilleuse adresse à remettre les pattes et les ailes cassées ; mais ceux qui furent ainsi raccommodés, et qui, au bout de bien peu de jours, furent capables d’aller chercher leur vie, furent si mal accueillis par les libres, qu’ils revinrent tout penauds se réfugier dans les jambes de Clopinet, et qu’il eut à repousser et à réprimander vertement les insulteurs qui voulaient les plumer ou les mettre en pièces. Dans ces combats étranges où il dut prendre part, je vous laisse à penser s’il observa avec intérêt toutes les allures et manières de ces personnages emplumés.

Enfin Clopinet songea, au bout de la semaine, à quitter la falaise et à retourner chez son patron. Il était dans tous les cas bien temps de songer à la retraite, la falaise avait été fort endommagée par le dernier orage. Près du nid foudroyé des roupeaux, une nouvelle fissure s’était faite, et les marnes délayées par la pluie commençaient à couler jusque dans le jardin de Clopinet. Ce fut un chagrin pour lui, car ce petit creux était rempli de bonne terre végétale où jadis il s’était amusé à cultiver les plus jolies plantes des terrains environnants, des genêts, des vipérines superbes, des érythrées maritimes d’un jaune éclatant, de délicieux statices d’un lilas pur et d’une taille élégante, et ces jolis liserons-soldanelle, à corolle rose vif rayée de blanc, à feuilles épaisses et lustrées, qui étalent leurs festons gracieux jusque