Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parer quelques nids ; mais le fluide électrique avait cuit ce qui n’était pas brisé, et la colonie, voyant qu’il n’y avait plus d’espérance, s’appela avec de certains cris de détresse, se rassembla sur une roche où elle parut tenir conseil, puis avec des sanglots d’adieu, prit son vol sur la mer et disparut dans les brumes, sans qu’il fût possible de voir ce qu’elle était devenue.

Clopinet, ne les voyant pas revenir le lendemain ni les jours suivants, pensa qu’ils avaient dit adieu, pour toujours peut-être, à cette côte inhospitalière. Il retourna à ses malades, et en peu de temps ils se trouvèrent apprivoisés, mangèrent dans sa main, se laissèrent toucher, gratter et réchauffer, puis se mirent à marcher autour de lui, et à s’installer, les uns dans la grotte pour dormir, les autres dans le jardin pour se ranimer au soleil. Chose étrange, ils parurent avoir oublié le désastre de leur progéniture, n’essayèrent pas d’aller voir ce qu’elle était devenue, répondirent par de petites notes tristes et enrouées à l’appel bruyant de ceux qui partaient, et se résignèrent à la domesticité comme à une existence nouvelle contre laquelle il était inutile de protester.

Clopinet se trouvait à même d’étudier une chose qui l’avait toujours passionné, le degré d’intelligence qui se développe chez les animaux quand l’instinct ne peut plus suffire à leur conservation. Il passa la journée tantôt à observer ces convalescents plus ou moins estropiés qui se donnaient à lui, tantôt à recueillir des hôtes emplumés d’autres espèces qu’il trouva gisants de tous côtés en parcourant la falaise.