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prendrait à discrétion ; mais quand l’enfant sut qu’il fallait les tuer et les écorcher pour avoir leur plumage, il secoua la tête, cela lui faisait horreur.

Comme après souper il se promenait avec son oncle sur la grève, ils revinrent sur ce sujet, et Clopinet se sentit troublé et affolé par la vue des grosses barques qui se préparaient à partir dès le lendemain matin pour Honfleur. Il était presque décidé à s’arranger avec le patron d’une de ces embarcations, lorsqu’il entendit passer dans la nuit sombre les petites voix d’enfants qu’il connaissait si bien. — Les voilà ! s’écria-t-il, les voilà qui viennent me chercher ! — L’oncle, ne sachant ce qu’il voulait dire, restait bouche béante, attendant qu’il s’expliquât. Clopinet ne s’expliquait pas ; il courait, les bras étendus, suivant le vol des esprits invisibles qui l’appelaient toujours. D’abord ils suivirent la grève, semblant se diriger vers le lieu d’embarquement ; mais tout à coup ils firent un crochet, quittèrent le rivage et prirent à travers champs. Clopinet les suivit tant qu’il put, mais sans réussir à s’envoler, et il revint essoufflé vers son oncle, qui le croyait fou.

— Voyons, mon petit, lui dit le brave homme, est-ce que tout de bon tu prends les courlis pour des esprits ?

— Les courlis ? Que voulez-vous dire, mon oncle ?

— Tu ne connais pas ces oiseaux-là ? Il est vrai qu’ils ne voyagent que dans les nuits bien noires et qu’on ne les voit jamais. On ne les connaîtrait pas, si on n’en tuait point quelquefois en tirant au hasard