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passer ces longs éclairs pâles qu’il avait déjà vus d’en haut et qui paraissaient raser le sol. Qu’est-ce que ce pouvait être ? Il se rappela que son oncle avait dit devant lui que l’eau de mer brillait souvent comme un feu blanc pendant la nuit, et il se dit enfin que ce qu’il voyait devait être la mer. Elle était tout près et avançait vers les roches, mais si lentement et avec un mouvement si régulier et un bruit si uniforme que l’enfant ne se rendit pas compte du terrain qu’elle gagnait et resta bien tranquille sur son rocher, à la regarder aller et venir, avancer, reculer, se plisser en grosses lames, s’élever pour s’abattre aussitôt et recommencer jusqu’à ce qu’elle vînt s’aplatir sur la grève avec ce bruit sec et frais qui n’est pas sans charme dans les nuits tranquilles et appelle le sommeil, pour peu qu’on y soit disposé.

Clopinet n’y put résister ; il était peut-être dix heures du soir, et jamais il n’avait veillé si tard. Son lit de roches et de coquillages n’était pas précisément mollet ; mais quand on est bien las, où ne dormirait-on point ? Pendant quelques instants, il fixa ses yeux appesantis sur cette mince nappe argentée qui s’étend mollement sur le sable, qui avance encore au moment où la vague recule déjà, qui est reprise et poussée plus avant quand elle revient. Rien n’est moins effrayant que cette douce et perfide invasion de la marée montante.

Clopinet vit bien que la bande de sable se rétrécissait devant lui et que de petits flots commençaient à laver le pied de son rocher. Ils étaient si jolis avec leur fine écume blanche qu’il n’en prit aucun souci.