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dans mon atelier, qui est au-dessus. C’est là que je carde ce qu’on appelle le nuage, et, comme il est malsain de carder dans une maison à cause des petits brins qui entrent dans les narines et dans les poumons, je fais ce travail au plus haut de mon chalet, dans un endroit où l’air circule librement et emporte au loin ces brindilles imperceptibles, qui te nuiraient, à toi comme aux autres. Mais tu ne me dis pas tout, Catherine : quelle idée te fais-tu donc des nuages, puisque tu en parles toujours ? Confonds-tu les nuages du ciel avec la matière fine et blanche que j’extrais du lin, et que dans notre pays de fileuses habiles on appelle nuage pour dire une chose légère par excellence ?

Catherine fut très-mortifiée de voir qu’elle s’était sottement trompée sur le sens d’un mot et qu’elle avait bâti mille chimères sur une métaphore bien simple ; tout cela ne lui expliquait pas ses propres visions, et, voulant en avoir le cœur net, elle revint à son nuage rose, et raconta tout ce qui en était.

Madame Colette l’écouta sans la reprendre et sans se moquer. Au lieu de la gronder et de lui imposer silence, comme eût fait Sylvaine, elle voulut savoir tout ce qu’il y avait de rêveries dans cette petite tête, et, quand elle eut tout entendu, elle devint songeuse, resta quelques minutes sans parler, et dit enfin : — Je vois bien que tu aimes le merveilleux, et qu’il faut y prendre garde. Moi aussi, j’ai été enfant et j’ai rêvé d’un nuage rose. Et puis j’ai été jeune fille, et je l’ai rencontré. Il avait de l’or sur son habit et un grand plumet blanc…