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Ce n’était pourtant pas un nuage, c’était une grosse floche d’échevaux de fil fin, mais si fin, si fin, qu’il eût fallu couper un cheveu en dix pour faire quelque chose d’aussi fin. C’était si blanc qu’on n’osait y toucher, et si fragile qu’on craignait de l’emmêler en soufflant dessus.

— Ah ! ma grand’tante, s’écria Catherine toute ravie, si c’est vous qui avez filé cela, on peut bien dire que vous êtes la première filandière du monde, et que toutes les autres sont des tordeuses de ficelle.

— C’est moi qui ai filé cela, répondit madame Colette, et tous les ans je vends plusieurs de ces bottes. Vous n’avez pas remarqué en venant ici que toutes les femmes font de la dentelle très-fine, qui se vend très-cher. Je ne peux pas les fournir toutes, et il y a beaucoup de fileuses qui travaillent fort bien, mais aucune n’approche de moi, et on me paie mon fil dix fois plus que celui des autres ; c’est à qui aura du mien, parce qu’avec le mien on fait des ouvrages qu’on ne pourra plus faire quand je ne serai plus de ce monde. Me voilà bien vieille, et ce serait grand dommage que mon secret fût perdu ; n’est-ce pas vrai, Catherine ?

— Ah ! ma tante, s’écria Catherine, si vous vouliez me le donner ! Ce n’est pas pour l’argent ; mais je serais si fière de travailler comme vous ! Donnez-moi votre secret, je vous en prie.

— Comme ça, tout de suite ? dit la tante Colette en riant. Eh bien ! je te l’ai dit, il s’agit d’apprendre à filer les nuages.

Elle serra son coffret, puis, ayant embrassé Syl-