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— Tais-toi, dit Sylvaine : tu sais que je n’aime pas qu’on parle au hasard pour dire des bêtises qui n’ont pas de sens. C’est bon pour les enfants de deux ans ; mais te voilà trop grande pour faire la folle.

Catherine n’osa plus rien dire et s’en fut aux champs quand elle eut déjeuné. Il ne lui restait qu’une petite merlesse, elle l’emporta et s’en amusa une heure ou deux ; mais, comme elle s’était levée de grand matin, elle s’endormit au beau milieu du pré. Elle n’avait plus peur de perdre Bichette ; elle l’avait laissée avec les autres agneaux à la bergerie.

Quand elle s’éveilla, se trouvant, couchée tout de son long sur le dos, elle ne vit que le ciel, et, juste au-dessus de sa tête, le petit nuage qui s’était reformé au plus haut de l’air, et qui tout seul, absolument seul dans le bleu d’une belle journée, brillait comme de l’argent rose.

— Il est bien joli tout de même, pensa Catherine qui dormait encore à moitié ; mais comme il est loin ! S’il chante encore, je ne peux plus l’entendre. Je voudrais être où il est ; je verrais toute la terre et je marcherais dans tout le ciel sans me fatiguer. S’il n’était pas un ingrat, il m’aurait emmenée là-haut, je me serais couchée sur lui comme sur un duvet, et à présent je verrais de tout près le soleil, je saurais en quoi il est fait.

Les roitelets des buissons chantaient pendant que Catherine divaguait ainsi, et il lui sembla que ces oisillons se moquaient d’elle et lui criaient en riant : Curieuse, fi, la curieuse ! Bientôt ils firent silence et se