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espéré être rendu à l’auberge avant l’heure et la mettre au lit pour la reposer et la réchauffer. L’air du ravin était humide, le soleil était couché ; il craignait qu’elle ne fût sérieusement malade s’il lui fallait grelotter la fièvre en voiture, avec le frais de la nuit et les cahots du vieux chemin.

— Ah çà, dit-il au postillon, c’est donc une route abandonnée ?

— Oui, monsieur, c’est une route qui a été faite pour le château, et le château étant abandonné aussi…

— Il me paraît encore très-riche et très-vaste : pourquoi ne l’habite-t-on plus ?

— Parce que le propriétaire qui en a hérité lorsqu’il commençait à tomber en ruines, n’a pas le moyen de le faire réparer. Ça a appartenu dans le temps à un riche seigneur qui y faisait ses folies, les bals, les comédies, les jeux, les festins, que sais-je ? Il s’y est ruiné, ses descendants ne se sont pas relevés, non plus que le château qui a encore une grande mine, mais qui, un de ces jours, croulera de là haut dans la rivière, par conséquent sur le chemin que nous suivons.

— Pourvu qu’il nous permette de passer ce soir, qu’il s’écroule ensuite si bon lui semble ! Mais pourquoi ce nom bizarre de Pictordu ?

— À cause de cette roche que vous voyez sortir du bois au-dessus du château, et qui est comme tordue par le feu. On dit que, dans les temps anciens, tout le pays a brûlé. On appelle ça des pays de volcan. Vous n’en aviez jamais vu de pareils, je gage ?