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Marguerite alla fermer la fenêtre et elle vit sur le bord une feuille de papier écrite et déchirée comme si ce fût un brouillon de lettre. En ramassant ce papier pour le jeter dehors, elle y vit son nom écrit et l’apporta à sa grand’mère. Madame Yolande le prit, l’examina et le lui rendit en disant : — C’est un commencement de lettre de ton cousin à sa mère. Cela a été enlevé par le vent dans la chambre qu’il occupait au-dessus de la mienne, et, puisque nous sommes en train de croire aux esprits, je pense que nous devons remercier le follet qui nous apporte cette révélation. Lis, ma fille, je te le permets.

« Ma chère mère, pardonnez-moi mes folies, je suis en train de les expier. Je me résigne à faire un riche mariage, car j’ai découvert que la petite Margot doit hériter de tous les biens de la vieille tante. La fillette est affreuse, une vraie grenouille, ou plutôt un petit crapaud vert, avec cela très-coquette et déjà folle de moi ; mais quand on est endetté comme nous le sommes… »

Le brouillon n’en contenait pas davantage, Marguerite trouva que c’était assez ; elle garda le silence, et, comme elle vit que sa grand’mère était indignée et traitait son petit-neveu suivant ses mérites : — N’ayons point de dépit, ma chère maman, lui dit-elle, et rions de l’aventure. Je ne suis point du tout folle de mon cousin, et vous voyez que sa fatuité ne m’offense point. Vous m’aviez dit hier soir de réfléchir. Je ne sais pas si j’ai réfléchi ou dormi, mais dans mes songeries j’ai vu des choses qui sont restées comme une leçon devant mes yeux.