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adoucir l’éclat de sa voix, regarde et admire. Vois comme je grandis, vois comme je change, vois comme je deviens belle ! Donne-moi ton voile pour me faire une robe, vite, vite, il faut que je sois vêtue décemment… et puis il me manque encore quelque chose… Mon éventail de plumes, où l’as-tu mis, malheureuse ? Ah ! je le tiens ! et mes gants blancs… vite donc ! mes gants parfumés ! mon collier est mal agrafé, rattache-le donc, maladroite ! Ô ciel ! il me manque mon bouquet de mariée ;… ne serait-il pas dans la cassette ? Regarde, retourne-la… Je le tiens ! je le mets à ma ceinture, vois ! le prodige s’accomplit… Vénus n’est qu’une maritorne auprès de moi. C’est moi, moi, la vraie Cythérée sortant des ondes sacrées. Il faut que je danse, j’ai des crampes dans les mollets ; c’est la transformation qui s’opère. Oui, oui, la danse hâtera ma délivrance ! Je sens revenir la grâce incomparable de mes mouvements, et le feu de l’éternelle jeunesse me monte au cerveau ! Haptcha ! voilà que j’éternue ! haptcha ! haptcha !

En parlant ainsi, la reine Coax sautait et gambadait d’une manière frénétique ; mais, quoi qu’elle fît, elle restait grenouille, et l’horizon blanchissait. Elle riait, criait, pleurait, frappait le marbre du bassin avec ses pieds de derrière, jouait de l’éventail, étendait ses pattes de devant comme une danseuse de ballets, cambrait sa taille et roulait ses yeux comme ceux d’une almée. Tout à coup Marguerite, qui la contemplait avec frayeur, fut si frappée de l’extravagance de ses contorsions, qu’elle fut prise