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belles choses. Ne lui as-tu pas dit, toi, que tu voudrais bien être mariée pour être une belle dame et voir le monde ?

— Non, grand’mère, il a menti ; je n’ai rien dit de pareil.

— Mais ne l’as-tu point pensé ? Il est si malin ! il l’aura deviné.

Marguerite ne savait pas mentir, elle se sentit confuse et ne répondit pas. Madame Yolande était fine et comprit. — Écoute, chère enfant, lui dit-elle ; tu m’as donné du bonheur et des soins dans ma vieillesse, je dois travailler à rendre ta jeunesse heureuse et brillante. Je te ferai riche, et ton cousin le sait. Je ne veux te dire de lui ni bien ni mal. Tu as beaucoup d’esprit, et de raison, tu le jugeras, et il te l’a dit : tu réfléchiras. Va te reposer, et si demain matin tu veux qu’il reste, tu n’auras qu’à le lui faire savoir.

Marguerite fut si agitée de surprise et d’inquiétude qu’elle ne songea point à se coucher. Elle ne sentait aucune amitié pour son cousin, mais peut-être en avait-il pour elle. Elle se savait aimable et point sotte. Puypercé lui avait d’abord paru insipide et désagréable. Pourtant, si, oubliant sa laideur, ce joli garçon avait apprécié son esprit, c’est qu’il en avait apparemment aussi. Il avait des défauts : il était frivole, il aimait la dépense et la bonne chère, mais il avait peut-être un bon cœur, car il lui avait cédé en voyant qu’elle protégeait les bêtes, et il ne paraissait point entêté. Je suis si laide, moi ! se disait-elle ; je ne plairai peut-être jamais à aucun autre,