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d’eau, comme un tapis de soie finement brochée, avec de grands massifs de roseaux énormes surmontés de leurs thyrses de velours brun ; elle se rappelait les butomes avec leurs gros bouquets de petites roses blanches et rousses, les renoncules d’eau avec leurs mille fleurettes d’argent mat, et les alismas nageans et les véroniques d’eau bleu d’azur, et toutes ces petites merveilles de mousses fontinales qu’elle avait roulées en nids, dans ses jeux, les longues scolopendres dont elle s’était fait des ceintures, les fougères élégantes dont elle s’était fait des aigrettes, et alors elle se sentit prise d’un regret singulier et trouva son beau jardin triste et laid.

— J’ai détruit, se dit-elle, une chose qui me plaisait et que ma grand’mère regrette, une chose qui avait été belle et qui le serait peut-être redevenue cette année aux pluies d’automne. — Elle regarda ses bassins de marbre, ses poissons rouges et ses beaux cygnes, et se prit à pleurer, se persuadant que tout cela ne valait pas les grosses grenouilles, les salamandres, les lézards d’eau et les mille bestioles qui s’ébattaient autrefois dans la mousse et dans la vase. Elle fixa ses yeux pleins de larmes sur l’eau limpide qui s’échappait pour aller porter au dehors, par une rigole bien propre, le trop-plein des bassins, et elle suivit machinalement cette petite eau courante, devenue libre dans la campagne.

C’était un gentil ruisseau qui se perdait dans une grande prairie, et Marguerite marcha dans l’herbe humide vers la rivière où cette eau se glissait sans bruit et cachée dans le gazon. Elle arriva ainsi à un