Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un escalier que sa petite-fille y avait fait faire bien doux à son intention.

Un jour que Marguerite lui demandait si elle était contente, car l’été était revenu, et personne n’était malade : — Certainement, je suis contente de toi, répondit la vieille dame, et je reconnais que tu nous as rendu un grand service. Pourtant il faut que je t’avoue une chose, c’est que malgré moi je regrette, non pas le vilain marécage dont tu nous as délivrés, mais le temps de ma jeunesse où les eaux étaient abondantes et claires. Je ne connais rien de beau comme une demeure seigneuriale entourée de ses douves bien pleines. À présent notre château a l’air d’une maison bourgeoise, et je suis sûre que les dames des environs se moquent de nous et se demandent, en voyant tes plantations, si nous sommes des jardinières et si nous comptons envoyer nos pommes au marché.

Marguerite fut si mortifiée des paroles de sa grand’mère, qu’elle baissa la tête en rougissant. Madame Yolande la baisa au front en lui disant pour la consoler : — À présent la chose est faite et elle est avantageuse. Il faut savoir préférer l’utile à l’agréable. Nous mangerons nos pommes et nous laisserons jaser. Continue à soigner ton jardin, et sois sûre que je t’approuve.

Marguerite, restée seule, devint toute pensive. Elle n’avait jamais vu les douves pleines et limpides. Peut-être ne l’avaient-elles jamais été autant que se l’imaginait sa grand’mère, mais Marguerite se souvenait de les avoir vues toutes vertes de lentilles