Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était éclairée que de profil, elle se rendit compte de cette vie magique de la lumière plus ou moins répandue et plus ou moins reflétée, passant de l’éclat à la douceur et des tons embrasés aux tons froids, à travers des harmonies indescriptibles. Son père lui avait souvent parlé de tons neutres. Mon père, s’écria-t-elle involontairement, comme s’il eût été là, il n’y a pas de tons neutres, je te jure qu’il n’y en a pas !

Puis elle sourit de son emportement et but à loisir cette révélation qui lui venait du ciel et de la terre, du feuillage et des eaux, des herbes et du rocher, de l’aurore chassant la nuit, de la nuit se retirant gracieuse et docile, sous ses voiles transparents que le soleil cherchait à percer. Diane sentit qu’elle pourrait peindre sans cesser de dessiner, et son cœur tressaillit d’espoir et de joie.

Au retour, elle s’arrêta encore auprès de la statue et se rappela ce qu’elle avait senti la veille se formuler dans son âme. Si c’est toi qui me parles, pensa-t-elle, tu m’as bien enseignée hier. Tu m’as fait entendre qu’une bonne résolution vaut mieux qu’un beau voyage. Tu m’as dit de rentrer souriante dans la prison du devoir, je te l’ai promis, et voilà qu’aujourd’hui j’ai fait dans l’art une conquête enivrante. J’ai fait mieux que de comprendre, j’ai senti, j’ai vu ! J’ai acquis une faculté nouvelle, la lumière est entrée dans mes yeux, aussitôt que la volonté rentrait dans ma conscience. Merci, ô ma mère, ô ma fée ! Je tiens, grâce à toi, le vrai secret de la vie.

Diane quitta Pictordu pour passer deux jours à Mende. Revenue chez elle, elle se remit au métier,