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les yeux, la nuit était venue et la mer montait. Il n’était que temps d’aller dîner et je marchai avec peine sur les mille débris que rapporte sur la grève la marée qui lèche les rivages, vieux souliers, vieux chapeaux, varechs gluants, débris d’embarcation couverts d’anatifes gâtés et infects, chapelets de petites moules, cadavres de méduses sur lesquels le pied glisse à chaque pas. Je me hâtais, saisi d’un dégoût que la mer ne m’avait jamais inspiré, lorsque je vis errer autour de moi dans l’ombre une forme vague qui, d’après son exiguïté, ne pouvait être que celle du gnome. J’avais l’esprit frappé. Je ramassai un pieu apporté par les eaux, et me mis à sa poursuite. Je le vis ramper dans la vase et chercher à me saisir les jambes. Un coup vigoureusement appliqué sur l’échine lui fit jeter un cri si étrange, et il devint si petit, si petit, que le vis entrer dans une énorme coquille qui bâillait à mes pieds. Je voulus m’en emparer : horreur ! mes mains ne saisirent qu’une peau velue, tandis qu’une langue froide se promenait sur mon visage. J’allais lancer le monstre à la mer, lorsque je reconnus