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Quand vint l’âge du fer, cet ustensile méprisé fut oublié sur le bord de la margelle tarie et à demi comblée. On construisit de nouvelles habitations à fleur de terre avec des cultures autour. On connaissait la bêche et la cognée, on parlait, on agissait, on pensait autrement que par le passé. Le glorieux marteau-rouge redevint simple caillou et reprit son sommeil impassible dans l’herbe des prairies.

Bien des siècles se passèrent encore lorsqu’un paysan chasseur qui poursuivait un lièvre réfugié dans la mardelle, et qui, pour mieux courir, avait quitté ses sabots, se coupa l’orteil sur une des faces encore tranchantes du marteau rouge. Il le ramassa, pensant en faire des pierres pour son fusil, et l’apporta chez lui, où il l’oublia dans un coin. À l’époque des vendanges, il s’en servit pur caler sa cuve ; après quoi, il le jeta dans son jardin, où les choux, ces fiers occupants d’une terre longtemps abandonnée à elle-même, le couvrir de leur ombre et lui permirent de dormir encore à l’abri du caprice de l’homme.