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» Je vécus, je crois, deux ans seul avec lui. Il avait pour moi des soins si tendres, qu’il remplaçait ma mère et que je ne pensai plus jamais à le quitter. Pourtant je ne lui appartenais pas. La tribu qui s’était emparée de moi devait se partager le prix qui serait offert par les plus riches radjahs de l’Inde dès qu’ils seraient informés de mon existence. On avait donc fait un arrangement pour tirer de moi le meilleur parti possible. La tribu avait envoyé des députés dans toutes les cours des deux péninsules pour me vendre au plus offrant, et, en attendant leur retour, j’étais confié à ce jeune homme, nommé Aor, qui était réputé le plus habile de tous dans l’art d’apprivoiser et de soigner les êtres de mon espèce. Il n’était pas chasseur, il n’avait pas aidé au meurtre de ma mère. Je pouvais l’aimer sans remords.

» Bientôt je compris la parole humaine, qu’à toute heure il me faisait entendre. Je ne me rendais pas compte des mots, mais l’inflexion de chaque syllabe me révélait sa pensée aussi clairement que si j’eusse appris sa langue. Plus tard,