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consuelo.

posé par André sur son guéridon, avec sa tasse de chocolat !

« Nous partons, monsieur et révérend chanoine ; un devoir impérieux nous appelait à Vienne, et nous avons craint de ne pouvoir résister à vos généreuses instances. Nous nous sauvons comme des ingrats : mais nous ne le sommes point, et jamais nous ne perdrons le souvenir de votre hospitalité envers nous, et de votre charité sublime pour l’enfant abandonné. Nous viendrons vous en remercier. Avant huit jours, vous nous reverrez ; veuillez différer jusque-là le baptême d’Angèle, et compter sur le dévouement respectueux et tendre de vos humbles protégés. »

« Bertoni, Beppo. »

Le chanoine pâlit, soupira et agita sa sonnette.

« Ils sont partis ? dit-il à André.

— Avant le jour, monsieur le chanoine.

— Et qu’ont-ils dit en partant ? ont-ils déjeuné, au moins ? ont-ils désigné le jour où ils reviendraient ?

— Personne ne les a vus partir, monsieur le chanoine. Ils se sont en allés comme ils sont venus, par-dessus les murs. En m’éveillant j’ai trouvé leurs chambres désertes ; le billet que vous tenez était sur leur table, et toutes les portes de la maison et de l’enclos fermées comme je les avais laissées hier soir. Ils n’ont pas emporté une épingle, ils n’ont pas touché à un fruit, les pauvres enfants !…

— Je le crois bien ! » s’écria le chanoine, et ses yeux se remplirent de larmes.

Pour chasser sa mélancolie, André essaya de lui faire faire le menu de son dîner.

« Donne-moi ce que tu voudras, André ! » répondit le chanoine d’une voix déchirante, et il retomba en gémissant sur son oreiller.