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le besoin de pratiquer la première vertu de mon état, la charité ; j’ai vu d’un côté des calomnies, des intrigues auxquelles je pouvais succomber, de l’autre un pauvre être abandonné du ciel et des hommes, qui n’avait de refuge que dans ma pitié, et d’avenir que dans ma sollicitude ; et j’ai choisi de risquer ma réputation, mon repos et ma fortune, pour faire les œuvres de la foi et de la miséricorde. » Ah ! je n’en doute pas, si vous disiez cela à Marie-Thérèse, Marie-Thérèse, qui peut tout, au lieu d’un prieuré, vous donnerait un palais, et au lieu d’un canonicat un évêché. N’a-t-elle pas comblé d’honneurs et de richesses l’abbé Metastasio pour avoir fait des rimes ? que ne ferait-elle pas pour la vertu, si elle récompense ainsi le talent ? Allons, mon révérend, vous garderez cette pauvre Angiolina dans votre maison ; votre jardinière la nourrira, et plus tard vous l’élèverez dans la religion et dans la vertu. Sa mère en eût fait un démon pour l’enfer, et vous en ferez un ange pour le ciel !

— Tu fais de moi ce que tu veux, dit le chanoine ému et attendri, en laissant son favori déposer l’enfant sur ses genoux ; allons, nous baptiserons Angèle demain matin, tu seras son parrain… Si Brigide était encore là, nous la forcerions à être ta commère, et sa fureur nous divertirait. Sonne pour qu’on nous amène la nourrice, et que tout soit fait selon la volonté de Dieu ! Quant à la bourse que Corilla nous a laissée… (oui-da ! cinquante sequins de Venise !) nous n’en avons que faire ici. Je me charge des dépenses présentes pour l’enfant, et de son sort futur, si on ne le réclame pas. Prends donc cet or, il t’est bien dû pour la vertu singulière, et le grand cœur dont tu as fait preuve dans tout ceci.

— De l’or pour payer ma vertu et la bonté de mon cœur ! s’écria Consuelo en repoussant la bourse avec dégoût. Et l’or de la Corilla ! le prix du mensonge, de la