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consuelo.

— C’est cela, précisément, dit la vieille ; et, saluant encore le chanoine, elle se retira tranquillement.

— Eh bien, comment trouvez-vous le tour ! dit le chanoine stupéfait en se retournant vers ses hôtes.

— Je le trouve digne de celle qui l’a imaginé, répondit Consuelo en ôtant de la corbeille l’enfant qui commençait à s’impatienter, et en lui faisant avaler doucement quelques cuillerées d’un reste de lait du déjeuner qui était encore chaud, dans la tasse japonaise du chanoine.

— Cette Corilla est donc un démon ? reprit le chanoine ; vous la connaissiez ?

— Seulement de réputation ; mais maintenant je la connais parfaitement, et vous aussi, monsieur le chanoine.

— Et c’est une connaissance dont je me serais fort bien passé ! Mais qu’allons-nous faire de ce pauvre abandonné ? ajouta-t-il en jetant un regard de pitié sur l’enfant.

— Je vais le porter, répondit Consuelo, à votre jardinière, à qui j’ai vu allaiter hier un beau garçon de cinq à six mois.

— Allez donc, dit le chanoine ; ou plutôt sonnez pour qu’elle vienne ici le recevoir. Elle nous indiquera une nourrice dans quelque ferme voisine… pas trop voisine pourtant ; car Dieu sait le tort que peut faire à un homme d’église la moindre marque d’un intérêt marqué pour un enfant tombé ainsi des nues dans sa maison.

— À votre place, monsieur le chanoine, je me mettrais au-dessus de ces misères-là. Je ne voudrais ni prévoir, ni apprendre les suppositions absurdes de la calomnie. Je vivrais au milieu des sots propos comme s’ils n’existaient pas, j’agirais toujours comme s’ils étaient impossibles. À quoi servirait donc une vie de sagesse et de dignité, si elle n’assurait pas le calme de la conscience et la liberté des bonnes actions ? Voyez, cet enfant vous