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consuelo.

siaste, me gagnent le cœur à tel point, que jamais, je le sens, je ne pourrai consentir à me séparer de toi… »

Consuelo sourit, et l’on se mit à table. Le repas fut exquis et dura bien deux heures ; mais le dessert fut autre que le chanoine ne s’y attendait.

« Monsieur le révérend, dit André en paraissant à la porte, voici la mère Berthe, la femme du cabaret voisin, qui vous apporte une grande corbeille de la part de l’accouchée.

— C’est l’argenterie que je lui ai prêtée, répondit le chanoine. André, recevez-la, c’est votre affaire. Elle part donc décidément cette dame ?

— Monsieur le révérend, elle est partie.

— Déjà ! c’est une folle ! Elle veut se tuer cette diablesse-là !

— Non, monsieur le chanoine, dit Consuelo, elle ne veut pas se tuer, et elle ne se tuera pas.

— Eh bien, André, que faites-vous là d’un air cérémonieux ? dit le chanoine à son valet.

— Monsieur le révérend, c’est que la mère Berthe refuse de me remettre la corbeille ; elle dit qu’elle ne la remettra qu’à vous, et qu’elle a quelque chose à vous dire.

— Allons, c’est un scrupule ou une affectation de dépositaire. Fais-la entrer, finissons-en. »

La vieille femme fut introduite, et, après avoir fait de grandes révérences, elle déposa sur la table une grande corbeille couverte d’un voile. Consuelo y porta une main empressée, tandis que le chanoine tournait la tête vers Berthe ; et ayant un peu écarté le voile, elle le referma en disant tout bas à Joseph :

« Voilà ce que j’attendais, voilà pourquoi je suis restée. Oh ! oui, j’en étais sûre : Corilla devait agir ainsi. »

Joseph, qui n’avait pas eu le temps d’apercevoir le