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consuelo.

pis pour lui ! malheur à lui ; ne défaites pas tant de malles, Sofia ! à quoi songez-vous ! croyez-vous que je veuille rester ici ? Allons donc ! vous êtes sotte, et vous ne savez pas encore ce que c’est que la vie. Demain, je compte bien me remettre en route. Ah ! zingaro, tu portes les enfants comme une vraie femme. Combien veux-tu pour tes soins et pour ta peine ? Sais-tu, Sofia, que jamais je n’ai été mieux soignée et mieux servie ? Tu es donc de Venise, mon petit ami ? m’as-tu entendue chanter ? »

Consuelo ne répondit rien à ces questions, dont on n’eût pas écouté la réponse. La Corilla lui faisait horreur. Elle remit l’enfant à la servante du cabaret, qui venait de rentrer et qui paraissait une bonne créature ; puis elle appela Joseph et retourna avec lui au prieuré.

« Je ne m’étais pas engagé, lui dit, chemin faisant, son compagnon, à vous ramener au chanoine. Il paraissait honteux de sa conduite, quoiqu’il affectât beaucoup de grâce et d’enjouement ; malgré son égoïsme, ce n’est pas un méchant homme. Il s’est montré vraiment heureux d’envoyer à la Corilla tout ce qui pouvait lui être utile.

— Il y a des âmes si dures et si affreuses, répondit Consuelo, que les âmes faibles doivent faire plus de pitié que d’horreur. Je veux réparer mon emportement envers ce pauvre chanoine ; et puisque la Corilla n’est pas morte, puisque, comme on dit, la mère et l’enfant se portent bien, puisque notre chanoine y a contribué autant qu’il l’a pu, sans compromettre la possession de son cher bénéfice, je veux le remercier. D’ailleurs, j’ai mes raisons pour rester au prieuré jusqu’au départ de la Corilla. Je te les dirai demain. »

La Brigide était allée visiter une ferme voisine, et Consuelo, qui s’attendait à affronter ce cerbère, eut le