Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
consuelo.

« Maudit enfant ! disait-elle, je voudrais t’arracher de mon flanc, et te jeter loin de moi !

— Oh ! ne dites pas cela ! s’écria Consuelo glacée d’épouvante ; vous allez être mère, vous allez être heureuse de voir votre enfant, vous ne regretterez pas d’avoir souffert !

— Moi ? dit la Corilla avec un sang-froid cynique, tu crois que j’aimerai cet enfant-là ! Ah ! que tu te trompes ! Le beau plaisir que d’être mère, comme si je ne savais pas ce qui en est ! Souffrir pour accoucher, travailler pour nourrir ces malheureux que leurs pères renient, les voir souffrir eux-mêmes, ne savoir qu’en faire, souffrir pour les abandonner… car, après tout, on les aime… mais je n’aimerai pas celui-là. Oh ! je jure Dieu que je ne l’aimerai pas ! que je le haïrai comme je hais son père !… »

Et Corilla, dont l’air froid et amer cachait un délire croissant, s’écria dans un de ces mouvements exaspérés qu’une souffrance atroce inspire aux femmes :

« Ah ! maudit ! trois fois maudit soit le père de cet enfant-là ! »

Des cris inarticulés la suffoquèrent, elle mit en pièces le fichu qui cachait son robuste sein pantelant de douleur et de rage ; et, saisissant le bras de Consuelo sur lequel elle imprima ses ongles crispés par la torture, elle s’écria en rugissant :

« Maudit ! maudit ! maudit soit le vil, l’infâme Anzoleto ! »

La Sofia rentra en cet instant, et un quart d’heure après, ayant réussi à délivrer sa maîtresse, elle jeta sur les genoux de Consuelo le premier oripeau qu’elle arracha au hasard d’une malle ouverte à la hâte. C’était un manteau de théâtre, en satin fané, bordé de franges de clinquant. Ce fut dans ce lange improvisé que la noble et