Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
consuelo.

— Il m’est impossible de faire autrement, répondit-il d’une voix douce, mais avec un ton dont le calme annonçait une résolution inébranlable. Je désire qu’on ne m’en parle pas davantage. Venez donc, je vous attends pour faire de la musique.

— Il n’est plus de musique pour nous ici, reprit Consuelo avec énergie. Vous ne seriez pas capable de comprendre Bach, vous qui n’avez pas d’entrailles humaines. Ah ! périssent vos fleurs et vos fruits ! puisse la gelée dessécher vos jasmins et fendre vos plus beaux arbres ! Cette terre féconde, qui vous donne tout à profusion, devrait ne produire pour vous que des ronces ; car vous n’avez pas de cœur, et vous volez les dons du ciel, que vous ne savez pas faire servir à l’hospitalité ! »

En parlant ainsi, Consuelo laissa le chanoine ébahi regarder autour de lui, comme s’il eût craint de voir la malédiction céleste invoquée par cette âme brûlante tomber sur ses volkamerias précieux et sur ses anémones chéries. Elle courut à la grille qui était restée fermée, et elle l’escalada pour sortir, afin de suivre la voiture de Corilla qui se dirigeait au pas vers le misérable cabaret, gratuitement décoré du titre d’auberge par le chanoine.

LXXIX.

Joseph Haydn, habitué désormais à se laisser emporter par les subites résolutions de son amie, mais doué d’un caractère plus prévoyant et plus calme, la rejoignit après avoir été reprendre le sac de voyage, la musique et le violon surtout, le gagne-pain, le consolateur et le joyeux compagnon du voyage. Corilla fut déposée sur un de ces mauvais lits des auberges allemandes, où il faut choisir, tant ils sont exigus, de faire dépasser la tête ou les pieds. Par malheur, il n’y avait pas de femme dans cette bico-