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consuelo.

fice, monsieur le chanoine ! vous m’entendez ? Une femme perdue qui accoucherait dans votre maison… cela ne serait point présenté comme un hasard, encore moins comme une œuvre de miséricorde. Vous savez que le chanoine Herbert a des prétentions au jubilariat, et qu’il a déjà fait déposséder un jeune confrère, sous prétexte qu’il négligeait les offices pour une dame qui se confessait toujours à lui à ces heures-là. Monsieur le chanoine, un bénéfice comme le vôtre est plus facile à perdre qu’à gagner ! »

Ces paroles firent sur le chanoine une impression soudaine et décisive. Il les recueillit dans le sanctuaire de sa prudence, quoiqu’il feignît de les avoir à peine écoutées.

« Il y a, dit-il, une auberge à deux cents pas d’ici : que cette dame s’y fasse conduire. Elle y trouvera tout ce qu’il lui faut, et y sera plus commodément et plus convenablement que chez un garçon. Allez lui dire cela, Brigide, avec politesse, avec beaucoup de politesse, je vous en prie. Indiquez l’auberge aux postillons. Vous, mes enfants, dit-il à Consuelo et à Joseph, venez essayer avec moi une fugue de Bach pendant qu’on nous servira le déjeuner.

— Monsieur le chanoine, dit Consuelo émue, abandonnerez-vous…

— Ah ! dit le chanoine en s’arrêtant d’un air consterné, voilà mon plus beau volkameria desséché. J’avais bien dit au jardinier qu’il ne l’arrosait pas assez souvent ! La plus rare et la plus admirable plante de mon jardin ! c’est une fatalité, Brigide ! voyez donc ! Appelez-moi le jardinier, que je le gronde.

— Je vais d’abord chasser la fameuse Corilla de votre porte, répondit Brigide en s’éloignant.

— Et vous y consentez, vous l’ordonnez monsieur le chanoine ? s’écria Consuelo indignée.