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consuelo.

pauvre Corilla, lorsque Brigide, apparaissant tout à coup lui coupa la parole et parla en ces termes :

« Il y a là-bas à votre porte une vagabonde, une chanteuse de théâtre, qui se dit fameuse, et qui a l’air et le ton d’une dévergondée. Elle se dit en mal d’enfant, crie et jure comme trente démons ; elle prétend accoucher chez vous ; voyez si cela vous convient ! »

Le chanoine fit un geste de dégoût et de refus.

« Monsieur le chanoine, dit Consuelo, quelle que soit cette femme, elle souffre, sa vie est peut-être en danger ainsi que celle d’une innocente créature que Dieu appelle en ce monde, et que la religion vous commande peut-être d’y recevoir chrétiennement et paternellement. Vous n’abandonnerez pas cette malheureuse, vous ne la laisserez pas gémir et agoniser à votre porte.

— Est-elle mariée ? demanda froidement le chanoine après un instant de réflexion.

— Je l’ignore ; il est possible qu’elle le soit. Mais qu’importe ? Dieu lui accorde le bonheur d’être mère : lui seul a le droit de la juger…

— Elle a dit son nom, monsieur le chanoine, reprit la Brigide avec force ; et vous la connaissez, vous qui fréquentez tous les histrions de Vienne. Elle s’appelle Corilla.

— Corilla ! s’écria le chanoine. Elle est déjà venue à Vienne, j’en ai beaucoup entendu parler. C’était une belle voix, dit-on.

— En faveur de sa belle voix, faites-lui ouvrir la porte ; elle est par terre sur le sable du chemin, dit Consuelo.

— Mais c’est une femme de mauvaise vie, reprit le chanoine. Elle a fait du scandale à Vienne, il y a deux ans.

— Et il y a beaucoup de gens jaloux de votre béné-