Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
consuelo.

— Eh ! qu’est-ce que cela te fait ? Cours donc, malheureux ! dit la soubrette toute bouleversée. Ah ! si tu perds du temps, tu n’auras rien de nous !

— Eh ! je ne veux rien de vous non plus, répondit Consuelo avec feu ; mais je veux savoir qui vous êtes. Si votre maîtresse est musicienne, vous serez reçus ici d’emblée, et, si je ne me trompe pas, elle est une chanteuse célèbre.

— Va, mon petit, dit la dame en mal d’enfant, qui, dans l’intervalle entre chaque douleur aiguë, retrouvait beaucoup de sang-froid et d’énergie, tu ne te trompes pas ; va dire aux habitants de cette maison que la fameuse Corilla est près de mourir, si quelque âme de chrétien ou d’artiste ne prend pitié de sa position. Je paierai… dis que je paierai largement. Hélas ! Sofia, dit-elle à sa suivante, fais-moi mettre par terre, je souffrirai moins étendue sur le chemin que dans cette infernale voiture ! »

Consuelo courait déjà vers le prieuré, résolue de faire un bruit épouvantable et de parvenir à tout prix jusqu’au chanoine. Elle ne songeait déjà plus à s’étonner et à s’émouvoir de l’étrange hasard qui amenait en ce lieu sa rivale, la cause de tous ses malheurs ; elle n’était occupée que du désir de lui porter secours. Elle n’eut pas la peine de frapper, elle trouva Brigide qui, attirée enfin par les cris, sortait de la maison, escortée du jardinier et du valet de chambre.

« Belle histoire ! répondit-elle avec dureté, lorsque Consuelo lui eut exposé le fait. N’y allez pas, André, ne bougez d’ici, maître jardinier ! Ne voyez-vous pas que c’est un coup monté par ces bandits pour nous dévaliser et nous assassiner ? Je m’attendais à cela ! une alerte, une feinte ! une bande de scélérats rôdant autour de la maison, tandis que ceux à qui nous avons donné asile tâcheraient de les faire entrer sous un honnête prétexte.