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pas été prises contre les malfaiteurs, mais bien contre le bruit et le dérangement des visites trop tardives ou trop matinales. Il fut impossible à Consuelo de satisfaire au vœu de son cœur, et elle supporta douloureusement les injures de la femme de chambre qui, en parlant vénitien à sa maîtresse, s’écriait avec impatience :

« L’imbécile ! le petit maladroit, qui ne sait pas ouvrir une porte ! »

Les postillons allemands, plus patients et plus calmes, s’efforçaient d’aider Consuelo, mais sans plus de succès, lorsque la dame malade, s’avançant à son tour à la portière, cria d’une voix forte en mauvais allemand :

Hé, par le sang du diable ! allez donc chercher quelqu’un pour ouvrir, misérable petit animal que vous êtes !

Cette apostrophe énergique rassura Consuelo sur le trépas imminent de la dame. « Si elle est près de mourir, pensa-t-elle, c’est au moins de mort violente, » et, adressant la parole en vénitien à cette voyageuse dont l’accent n’était pas plus problématique que celui de sa suivante :

« Je n’appartiens pas à cette maison, lui dit-elle, j’y ai reçu l’hospitalité cette nuit ; je vais tâcher d’éveiller les maîtres, ce qui ne sera ni prompt, ni facile. Êtes-vous dans un tel danger, madame, que vous ne puissiez attendre un peu ici sans vous désespérer ?

— J’accouche, imbécile ! cria la voyageuse ; je n’ai pas le temps d’attendre : cours, crie, casse tout, amène du monde, et fais-moi entrer ici, tu seras bien payé de ta peine… »

Elle se remit à jeter les hauts cris, et Consuelo sentit trembler ses genoux ; cette figure, cette voix ne lui étaient pas inconnues…

« Le nom de votre maîtresse ! cria-t-elle à la femme de chambre.