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de ces coquins-là, qui n’ont pu pénétrer que par-dessus les murs ; car j’ai fermé moi-même toutes les portes.

— En attendant, tirons celle-ci sur nous, repartit la vieille dame, et nous sonnerons après la cloche d’alarme. »

La porte se referma, et nos deux enfants restèrent peu fixés sur le parti qu’ils avaient à prendre. Fuir, c’était confirmer l’opinion qu’on avait d’eux ; rester, c’était s’exposer à une attaque un peu brusque. Comme ils se consultaient, ils virent un rayon de lumière percer le volet d’une fenêtre au premier étage. Le rayon s’agrandit, et un rideau de damas cramoisi, derrière lequel brillait doucement la clarté d’une lampe, fut soulevé lentement ; une main, que la pleine lumière de la lune fit paraître blanche et potelée, se montra au bord du rideau, dont elle soutenait avec précaution les franges, tandis qu’un œil invisible interrogeait probablement les objets extérieurs.

« Chanter, dit Consuelo à son compagnon, voilà ce que nous avons à faire. Suis-moi, laisse-moi dire. Mais non, prends ton violon, et fais-moi une ritournelle quelconque, dans le premier ton venu. »

Joseph ayant obéi, Consuelo se mit à chanter à pleine voix, en improvisant musique et prose, une espèce de discours en allemand, rythmé et coupé en récitatif :

« Nous sommes deux pauvres enfants de quinze ans, tout petits, et pas plus forts, pas plus méchants que les rossignols dont nous imitons les doux refrains. »

— Allons, Joseph, dit-elle tout bas, un accord pour soutenir le récitatif. » Puis elle reprit :

« Accablés de fatigue, et contristés par la morne solitude de la nuit, nous avons vu cette maison, qui de loin semblait déserte, et nous avons passé une jambe, et puis l’autre, par-dessus le mur. »