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consuelo.

Joseph, tu te moques de moi, et pourtant le bien-être que j’éprouve en regardant ces étoiles blanches n’est point une illusion. Il y a dans l’air épuré et rafraîchi par elles quelque chose de souverain, et je sens une espèce de rapport entre ma vie et celle de tout ce qui vit autour de moi.

— Comment pourrais-je me moquer ! répondit Joseph en soupirant. Je sens à l’instant même vos impressions passer en moi, et vos moindres paroles résonner dans mon âme comme le son sur les cordes d’un instrument. Mais voyez cette habitation, Consuelo, et expliquez-moi la tristesse douce, mais profonde, qu’elle m’inspire. »

Consuelo regarda le prieuré : c’était un petit édifice du douzième siècle, jadis fortifié de créneaux que remplaçaient désormais des toits aigus en ardoise grisâtre. Les tourelles, couronnées de leurs machicoulis serrés, qu’on avait laissés subsister comme ornement, ressemblaient à de grosses corbeilles. De grandes masses de lierres coupaient gracieusement la monotonie des murailles, et sur les parties nues de la façade éclairée par la lune, le souffle de la nuit faisait trembler l’ombre grêle et incertaine des jeunes peupliers. De grands festons de vignes et de jasmin encadraient les portes, et allaient s’accrocher à toutes les fenêtres.

« Cette demeure est calme et mélancolique, répondit Consuelo ; mais elle ne m’inspire pas autant de sympathie que le jardin. Les plantes sont faites pour végéter sur place, et les hommes pour se mouvoir et se fréquenter. Si j’étais fleur, je voudrais pousser dans ce parterre, on y est bien ; mais étant femme, je ne voudrais pas vivre dans une cellule, et m’enfermer dans une masse de pierres. Voudrais-tu donc être moine, Beppo ?

— Non pas, Dieu m’en garde ! mais j’aimerais à travailler sans souci de mon logis et de ma table. Je voudrais