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consuelo.

petites têtes couronnées, se dressaient autour du principal individu, centre de la tige royale ; les melons se tenaient sous leurs cloches, comme de lourds mandarins chinois sous leurs palanquins, et de chacun de ces dômes de cristal le reflet de la lune faisait jaillir un gros diamant bleu, contre lequel les phalènes étourdies allaient se frapper la tête en bourdonnant.

Une haie de rosiers formait la ligne de démarcation entre ce potager et le parterre, qui touchait aux bâtiments et les entourait d’une ceinture de fleurs. Ce jardin réservé était comme une sorte d’élysée. De magnifiques arbustes d’agrément y ombrageaient les plantes rares à la senteur exquise. Le sable y était aussi doux aux pieds qu’un tapis ; on eût dit que les gazons étaient peignés brin à brin, tant ils étaient lisses et unis. Les fleurs étaient si serrées qu’on ne voyait pas la terre, et que chaque plate-bande arrondie ressemblait à une immense corbeille.

Singulière influence des objets extérieurs sur la disposition de l’esprit et du corps ! Consuelo n’eut pas plus tôt respiré cet air suave et regardé ce sanctuaire d’un bien-être nonchalant, qu’elle se sentit reposée comme si elle eût déjà dormi du sommeil des moines.

« Voilà qui est merveilleux ! dit-elle à Beppo ; je vois ce jardin, et il ne me souvient déjà plus des pierres du chemin et de mes pieds malades. Il me semble que je me délasse par les yeux. J’ai toujours eu horreur des jardins bien tenus, bien gardés, et de tous les endroits clos de murailles ; et pourtant celui-ci, après tant de journées de poussière, après tant de pas sur la terre sèche et meurtrie, m’apparaît comme un paradis. Je mourais de soif tout à l’heure, et maintenant, rien que de voir ces plantes heureuses qui s’ouvrent à la rosée du soir, il me semble que je bois avec elles, et que je suis