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consuelo.

voilà qui parle avec elle tout paternellement… le saint homme !

— Franchement, croyez-vous qu’il serait bien scandalisé ?

— Comment ne le serait-il pas ? D’ailleurs, ce que je crains, ce ne sont pas tant ses réprimandes que ses railleries. Vous savez comme il aime à plaisanter ; il a tant d’esprit ! Oh ! comme il va se moquer de ma simplicité !…

— Mais s’il partage votre erreur, comme jusqu’ici il en a l’air… il n’aura pas le droit de vous persifler. Allons, ne faites semblant de rien ; approchons-nous, et saisissez un moment favorable pour faire éclipser vos musiciens. »

Ils quittèrent l’embrasure de croisée où ils s’étaient entretenus de la sorte, et le curé, se glissant près de Joseph, qui paraissait occuper le chanoine beaucoup moins que le signor Bertoni, il lui mit dans la main les six florins. Dès qu’il tint cette modeste somme, Joseph fit signe à Consuelo de se dégager du chanoine et de le suivre dehors ; mais le chanoine rappelant Joseph, et persistant à croire, d’après ses réponses affirmatives, que c’était lui qui avait la voix de femme :

« Dites-moi donc, lui demanda-t-il, pourquoi vous avez choisi ce morceau de Porpora, au lieu de chanter le solo de M. Holzbaüer ?

— Nous ne l’avions pas, nous ne le connaissions pas, répondit Joseph. J’ai chanté la seule chose de mes études qui fût complète dans ma mémoire. »

Le curé s’empressa de raconter la petite malice de Gottlieb, et cette jalousie d’artiste fit beaucoup rire le chanoine.

« Eh bien, dit l’inconnu, votre bon cordonnier nous a rendu un très-grand service. Au lieu d’un mauvais solo,