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légères ondulations dans les rideaux et dans les draperies. Elle se rapprochait de lui aussitôt, et interrogeant sa bouche glacée, son cœur éteint, elle renonçait à des espérances fugitives, insensées.

Quand l’horloge sonna trois heures, Consuelo se leva et déposa sur les lèvres de son époux son premier, son dernier baiser d’amour.

« Adieu, Albert, lui dit-elle à voix haute, emportée par une religieuse exaltation : tu lis maintenant sans incertitude dans mon cœur. Il n’y a plus de nuages entre nous, et tu sais combien je t’aime. Tu sais que si j’abandonne ta dépouille sacrée aux soins d’une famille qui demain reviendra te contempler sans faiblesse, je n’abandonne pas pour cela ton immortel souvenir et la pensée de ton indestructible amour. Tu sais que ce n’est pas une veuve oublieuse, mais une épouse fidèle qui s’éloigne de ta demeure, et qu’elle t’emporte à jamais dans son âme. Adieu, Albert ! tu l’as dit, la mort passe entre nous, et ne nous sépare en apparence que pour nous réunir dans l’éternité. Fidèle à la foi que tu m’as enseignée, certaine que tu as mérité l’amour et la bénédiction de ton Dieu, je ne te pleure pas, et rien ne te présentera à ma pensée sous l’image fausse et impie de la mort. Il n’y a pas de mort, Albert, tu avais raison ; je le sens dans mon cœur, puisque je t’aime plus que jamais. »

Comme Consuelo achevait ces paroles, les rideaux qui retombaient fermés derrière le catafalque s’agitèrent sensiblement, et s’entr’ouvrant tout à coup, offrirent à ses regards, la figure pâle de Zdenko. Elle en fut effrayée d’abord, habituée qu’elle était à le regarder comme son plus mortel ennemi. Mais il avait une expression de douceur dans les yeux, et, lui tendant par-dessus le lit