Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/416

Cette page a été validée par deux contributeurs.
406
consuelo.

ries et des titres. N’importe, vous avez vos raisons, que je ne pénètre pas, et je pense qu’une personne aussi calme que vous n’agit pas à la légère. J’ai donné ma parole d’honneur de garder le secret de la famille, et je vais attendre que vous m’en dégagiez. Mon témoignage vous sera utile en temps et lieu ; vous pouvez y compter. Vous me retrouverez toujours à Bareith, si Dieu me prête vie, et, dans cette espérance, je vous baise les mains, madame la comtesse. »

Supperville prit congé de la chanoinesse, répondit de la vie du malade, écrivit une dernière ordonnance, reçut une grosse somme qui lui sembla légère au prix de ce qu’il avait espéré tirer de Consuelo pour avoir servi ses intérêts, et quitta le château à dix heures du soir, laissant cette dernière stupéfaite et indignée de son matérialisme.

Le baron alla se coucher beaucoup mieux portant que la veille, et la chanoinesse se fit dresser un lit auprès de Christian. Deux femmes veillèrent dans cette chambre, deux hommes dans celle du chapelain, et le vieux Hanz auprès du baron.

« Heureusement, pensa Consuelo, la misère n’ajoute pas les privations et l’isolement à leur infortune. Mais qui donc veille Albert, durant cette nuit lugubre qu’il passe sous les voûtes de la chapelle ? Ce sera moi, puisque voilà ma seconde et dernière nuit de noces ! »

Elle attendit que tout fût silencieux et désert dans le château ; après quoi, quand minuit eut sonné, elle alluma une petite lampe et se rendit à la chapelle.

Elle trouva au bout du cloître qui y conduisait deux serviteurs de la maison, que son approche effraya d’abord, et qui ensuite lui avouèrent pourquoi ils étaient là. On les avait chargés de veiller leur quart de nuit auprès du corps de monsieur le comte ; mais la peur les