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Il revint bientôt, résolu à ne pas se tourmenter beaucoup de l’indisposition du pauvre prêtre, et fit, ainsi que le baron, assez bon accueil au souper. Le Porpora, vivement affecté, quoiqu’il ne le montrât pas, ne put desserrer les dents ni pour parler ni pour manger. Consuelo ne songea qu’au dernier repas qu’elle avait fait à cette table entre Albert et Anzoleto.

Elle fit ensuite avec son maître les apprêts de son départ. Les chevaux étaient demandés pour quatre heures du matin. Le Porpora ne voulait pas se coucher ; mais il céda aux remontrances et aux prières de sa fille adoptive, qui craignait de le voir tomber malade à son tour, et qui, pour le convaincre, lui fit croire qu’elle allait dormir aussi.

Avant de se séparer, on se rendit auprès du comte Christian. Il dormait paisiblement, et Supperville, qui brûlait de quitter cette triste demeure, assura qu’il n’avait plus de fièvre.

« Cela est-il bien certain, monsieur ? lui demanda en particulier Consuelo, effrayée de sa précipitation.

— Je vous le jure, répondit-il. Il est sauvé pour cette fois ; mais je dois vous avertir qu’il n’en a pas pour bien longtemps. À cet âge, on ne sent pas le chagrin bien vivement dans le moment de la crise ; mais l’ennui de l’isolement vous achève un peu plus tard ; c’est reculer pour mieux sauter. Ainsi, tenez-vous sur vos gardes ; car ce n’est pas sérieusement, j’imagine, que vous avez renoncé à vos droits.

— C’est très-sérieusement, je vous assure, monsieur, dit Consuelo ; et je suis étonnée que vous ne puissiez croire à une chose aussi simple.

— Vous me permettrez d’en douter jusqu’à la mort de votre beau-père, madame. En attendant, vous avez fait une grande faute de ne pas vous munir des pierre-