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étrangers de ce mariage secret, ne l’ont pas encore divulgué et ne le divulgueront pas. Je vous réponds du premier, vous pouvez et vous devez vous assurer de la discrétion de l’autre. Vivez donc en repos sur ce point, madame. Il ne tiendra qu’à vous d’emporter ce secret dans la tombe, et jamais, par mon fait, la baronne Amélie ne soupçonnera que j’ai l’honneur d’être sa cousine. Oubliez donc la dernière heure du comte Albert ; c’est à moi de m’en souvenir pour le bénir et pour me taire. Vous avez assez de larmes à répandre sans que j’y ajoute le chagrin et la mortification de vous rappeler jamais mon existence, en tant que veuve de votre admirable enfant !

— Consuelo ! ma fille ! s’écria la chanoinesse en sanglotant, restez avec nous ! Vous avez une grande âme et un grand esprit ! Ne nous quittez plus.

— Ce serait le vœu de ce cœur qui vous est tout dévoué, répondit Consuelo en recevant ses caresses avec effusion ; mais je ne le pourrais pas sans que notre secret fût trahi ou deviné, ce qui revient au même, et je sais que l’honneur de la famille vous est plus cher que la vie. Laissez-moi, en m’arrachant de vos bras sans retard et sans hésitation, vous rendre le seul service qui soit en mon pouvoir. »

Les larmes que versa la chanoinesse à la fin de cette scène la soulagèrent du poids affreux qui l’oppressait. C’étaient les premières qu’elle eût pu verser depuis la mort de son neveu. Elle accepta les sacrifices de Consuelo, et la confiance qu’elle accorda à ses résolutions prouva qu’elle appréciait enfin ce noble caractère. Elle la quitta pour aller en faire part au chapelain et pour s’entendre avec Supperville et le Porpora sur la nécessité de garder à jamais le silence.