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consuelo.

un mauvais dispensateur de ces nobles aumônes ; je n’ai ni l’esprit d’administration ni la science nécessaire pour en faire une répartition vraiment utile. C’est à vous, madame, qui joignez à ces qualités une âme chrétienne aussi généreuse que celle d’Albert, qu’il appartient de faire servir cette succession aux œuvres de charité. Je vous cède tous mes droits, s’il est vrai que j’en aie, ce que j’ignore et veux toujours ignorer. Je ne réclame de votre bonté qu’une grâce : celle de ne jamais faire à ma fierté l’outrage de renouveler de pareilles offres. »

La chanoinesse changea de visage. Forcée à l’estime, mais ne pouvant se résoudre à l’admiration, elle essaya d’insister.

« Que voulez-vous donc faire ? dit-elle en regardant fixement Consuelo ; vous n’avez pas de fortune ?

— Je vous demande pardon, madame, je suis assez riche. J’ai des goûts simples et l’amour du travail.

— Ainsi, vous comptez reprendre… ce que vous appelez votre travail ?

— J’y suis forcée, madame, et par des raisons où ma conscience n’a point à balancer, malgré l’abattement où je me sens plongée.

— Et vous ne voulez pas soutenir autrement votre nouveau rang dans le monde ?

— Quel rang, madame ?

— Celui qui convient à la veuve d’Albert.

— Je n’oublierai jamais, madame, que je suis la veuve du noble Albert, et ma conduite sera digne de l’époux que j’ai perdu.

— Et cependant la comtesse de Rudolstadt va remonter sur les tréteaux !

— Il n’y a point d’autre comtesse de Rudolstadt que vous, madame la chanoinesse, et il n’y en aura jamais d’autre après vous, que la baronne Amélie, votre nièce.