Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
consuelo.

sont venues aux yeux, je n’ai jamais entendu rien de pareil. Étrange mystère ! quelle peut être cette femme ? Toutes celles que je pourrais supposer sont plus âgées de beaucoup que celle-ci.

— C’est une enfant, une toute jeune fille ! reprit le curé, qui ne pouvait s’empêcher de regarder Consuelo avec un intérêt combattu dans son cœur par l’austérité de ses principes. Oh ! le petit serpent ! Voyez donc de quel air doux et modeste elle répond à monsieur le chanoine ! Ah ! je suis un homme perdu, si quelqu’un ici a découvert la fraude. Il me faudra quitter le pays !

— Comment, ni vous, ni aucun de vos paroissiens n’avez-vous pas reconnu le timbre d’une voix de femme ? Vous êtes des auditeurs bien simples.

— Que voulez-vous ? nous trouvions bien quelque chose d’extraordinaire dans cette voix ; mais Gottlieb disait que c’était une voix italienne, qu’il en avait entendu déjà d’autres comme cela, que c’était une voix de la chapelle Sixtine ! Je ne sais ce qu’il entendait par là, je ne m’entends pas à la musique qui sort de mon rituel, et j’étais à cent lieues de me douter… Que faire, monsieur, que faire ?

— Si personne n’a de soupçons, je vous conseille de ne vous vanter de rien. Éconduisez ces enfants au plus vite ; je me charge, si vous voulez, de vous en débarrasser.

— Oh ! oui, vous me rendrez service ! Tenez, tenez ; je vais vous donner l’argent… combien faut-il leur donner ?

— Ceci ne me regarde pas ; nous autres, nous payons largement les artistes… Mais votre paroisse n’est pas riche, et l’église n’est pas forcée d’agir comme le théâtre.

— Je ferai largement les choses, je leur donnerai six florins ! je vais tout de suite… Mais que va dire monsieur le chanoine ? il semble ne s’apercevoir de rien. Le