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consuelo.

tante semblait lui dire : « Tu as fait périr notre enfant ; tu n’as pas su lui rendre la vie ; et maintenant, il ne nous reste que la honte de ton alliance. »

Cette muette déclaration de guerre hâta la résolution qu’elle avait déjà prise de consoler, autant que possible, la chanoinesse de ce dernier malheur.

« Puis-je implorer de Votre Seigneurie, lui dit-elle avec soumission, de me fixer l’heure d’un entretien particulier ? Je dois partir demain avant le jour, et je ne puis m’éloigner d’ici sans vous faire connaître mes respectueuses intentions.

— Vos intentions ! je les devine de reste, répondit la chanoinesse avec aigreur. Soyez tranquille, mademoiselle ; tout sera en règle, et les droits que la loi vous donne seront scrupuleusement respectés.

— Je vois qu’au contraire vous ne me comprenez nullement, madame, reprit Consuelo ; il me tarde donc beaucoup…

— Eh bien, puisqu’il faut que je boive encore ce calice, dit la chanoinesse en se levant, que ce soit donc tout de suite, pendant que je m’en sens encore le courage. Suivez-moi, Signora. Mon frère aîné paraît sommeiller en ce moment. M. Supperville, de qui j’ai obtenu encore une journée de soins pour lui, voudra bien me remplacer pour une demi-heure. »

Elle sonna, et fit demander le docteur ; puis, se tournant vers le baron :

« Mon frère, lui dit-elle, vos soins sont inutiles, puisque Christian n’a pas encore recouvré le sentiment de ses infortunes. Peut-être cela n’arrivera-t-il point, heureusement pour lui, malheureusement pour nous ! Peut-être cet accablement est-il le commencement de la mort. Je n’ai plus que vous au monde, mon frère ; soignez votre santé, qui n’est que trop altérée par cette